Longtemps évincée, la question des sensibilités s’avère pourtant essentielle dans la compréhension des espaces publics.
Parce que la notion d’espace public prend sens traditionnellement dans une opposition avec le domaine privé, dont sont réputés relever l’ensemble des vécus affectifs, il a longtemps été dénié toute portée heuristique, toute faculté à aider à comprendre, à une approche sensible des espaces publics. Plus largement, c’est l’affectivité qui pendant des décennies a été mise au ban du domaine des sciences. Or, l’expérience de l’espace public est riche en émotions et éprouvés sensibles divers et variés. À l’image de l’ensemble des registres de la vie, qui se déploient sur le fond de notre relation affective au monde, l’espace public, et les comportements, les attitudes, les pratiques que chacun y déploie, est à la fois le lieu d’expression des sensibilités (artistiques entre autres), le lieu de la construction des sensibilités (politiques entre autres), le lieu du vécu des sensibilités (sociales et spatiales entre autres).
Rompant avec une forme d’ignorance parfois savamment entretenue, le cours « Approches sensibles des territoires » que nous dispensons dans le cadre du module des « Espaces publics de poche » propose aux étudiants de cheminer dans les enjeux théoriques et pratiques de la prise en compte des sensibilités en s’interrogeant sur leur contingence dans l’organisation des espaces.
Comment les configurations, les interventions, les interactions dans l’espace public participent à façonner nos sensibilités, la façon dont nous éprouvons le monde ? Comment sont intégrées les sensibilités, de façon irréfléchie et comme un allant-de-soi le plus souvent, par les opérateurs de la production des espaces ?
Réhabilitant la dimension sociale de l’expérience sensible, les étudiants sont outillés dans le cadre de cet enseignement pour expérimenter une réalité de prime abord phénoménale, dont chacun peut faire l’expérience subjective, et ainsi mieux comprendre ses implications sociétales. À travers la mise en œuvre d’expérimentations in situ, les étudiants travaillent les modes d’appréhension et d’expression du sensible dans l’espace public : l’observation, la dérive, l’écriture, le dessin, les approches multisensorielles, les rapports affectifs à l’espace…
Il résulte de ces expérimentations, de ces réflexions, un enrichissement de notre compréhension du monde et de la façon dont nous pouvons à la fois mieux le partager et mieux le ménager à l’heure des transitions qui s’imposent aux sociétés. L’exposition qui vous est présentée ici est le témoignage concret et vivant de cette richesse qu’apporte la prise en compte des sensibilités dans la production de l’espace public.
Benoît Feildel
Maître de conférences en aménagement de l’espace et urbanisme
Université Rennes 2
Laboratoire Espaces et Sociétés, UMR CNRS 6590 ESO
De janvier à avril 2022, seize étudiant·e·s issu·e·s de masters 1 du domaine de l’urbanisme de l’université Rennes 2 ont participé au module CAPS « Des espaces publics de poche pour (ré)enchanter le quotidien » mené par l’atelier conseil Villanthrope.
Villanthrope a une place particulière dans la fabrique urbaine à la croisée des mondes du social, de la santé et de l’urbanisme. Il agit principalement à l’échelle du micro-urbanisme, autrement dit à l’échelle du quartier, de la rue, de la place, ... Il met en lumière et en vie le territoire en situation(s) pour mieux l’aménager et/ou le ménager.
Marie, sa fondatrice, est persuadée, suite à son expérience « Un salon dans la ville » menée sur Rennes en Juillet 2020, que l’étude d’espaces publics de poche (de petite taille) peut participer à la résilience des villes et au soin de ses occupants, humains et non humains.
Pour ces raisons, elle a conçu l’atelier proposé aux étudiants, en lien avec Benoit Feildel, maitre de conférences en aménagement de l’espace et urbanisme avec pour objectif de leur donner les moyens de fabriquer des espaces publics comme des espaces de vie et ainsi d’apprendre à observer l’ordinaire, de se connecter au sensible et aux sens pour étudier un lieu, de rendre visible l’invisible, de révéler les besoins et les envies, de s’interroger sur les moyens imaginés pour (re)développer l’urbanité d’un espace.
Durant ces semaines, les étudiants, répartis en quatre groupes, ont arpenté Rennes et la commune métropolitaine de Chavagne, en vue d’identifier des espaces délaissés, des interstices, des aires de rien, des dimensions d’une place de stationnement, puis de leur (re) donner vie.
Nous vous laissons découvrir trois de ces lieux renommés pour l’occasion : Le pass’âge, Place du chêne et le lavoir.
Atelier "des espaces publics de poche pour (ré)enchanter le quotidien" Université Rennes 2 Année 2021-2022
Marie Venot
Le pass'age
Le groupe s’est intéressé à un lieu de passage dans le quartier Beauregard à Rennes, en articulation entre la place Eugène Aulnette et le parc de Beauregard.
Place du chêne
A Chavagne, les étudiant·es ont porté leur regard sur une place du quartier des Plessis, un lotissement construit dans les années 70.
4, rue du Bois Perrin
RENNES